Sous couvert de chasser le pirate, l'état cherche à controler davantage les utilisateurs d'internet

Publié le par BlindBlack

La loi anti-piratage se casse les dents sur le P2P crypté

Le contrôle des téléchargements instauré par la loi « Création et internet » relance l’intérêt pour les réseaux cryptés de « peer-to-peer ».

C’est l’interminable poursuite entre les gendarmes et les voleurs. Alors que les producteurs de disques et de films obtiennent le droit, grâce à la loi « Création et internet », de poser des radars sur les réseaux pour débusquer les téléchargements illicites, des adeptes du « peer-to-peer » s’emploient déjà à faire sauter leurs plaques d’immatriculation pour échapper aux contrôles et continuer à télécharger sereinement.

La solution vient du cryptage, connu de longue date et appliqué d’office par la nouvelle génération des logiciels P2P. Ici, toutes les données transitant sur les réseaux sont encodées, ce qui ne permet pas d’associer un internaute à un contenu particulier. Chaque utilisateur, dont l’adresse IP est masquée, réserve aussi une partie de son disque dur pour héberger aléatoirement des fragments de fichiers, qu’il souhaite ou non les télécharger. Plus un fichier est téléchargé, plus ses fragments s’éparpillent sur internet.

Si l’anonymat total ne peut pas être garanti, ce procédé suffit à brouiller les pistes. Et rend déjà caduc toute velléité de filtrage. Un test grandeur nature, récemment commandé par le SNEP, le syndicat des producteurs de disques, a ainsi établi que la détection d’échanges passait de 90% sur BitTorrent à 0% sur le réseau Freenet. Mercredi, lors d’une conférence de presse, la ministre de la Culture, Christine Albanel, a reconnu que le piratage ne pourrait jamais être totalement endigué, par la faute de ces nouveaux réseaux cryptés.

« Le cryptage c’est compliqué, ça ne marche pas »

Freenet, Share, Mute, ANts et les autres ne préoccupent cependant pas encore les ayants droit. Ces réseaux ne sont en effet pas encore très fréquentés. « Le cryptage c’est compliqué, ça ne marche pas », a lancé fin mai Pascal Nègre, président d’Universal Music France. Marc Guez, directeur général de la SCPP, syndicat de producteurs de musique, s’est fait plus précis. « Si le peer-to-peer devient vraiment underground, alors on aura gagné une bataille ; pour l'instant, c'est trop grand public », a-t-il expliqué.

C’est à peu de choses près l’objectif répété mercredi par la ministre de la Culture. Il s'agit en fait de réduire de 70% à 80% le milliard de fichiers téléchargés chaque année, donnée qui date de 2006 et dont la méthode de calcul avait été contestée. Pour cela, la Haute autorité doit être capable d’envoyer un millier de messages d’avertissements par semaine, puis d’obtenir la coupure des accès à internet. Bref, il faut frapper vite et fort sur les réseaux les plus populaires, eMule et BitTorrent, en prenant le risque de pousser les internautes vers des réseaux plus difficiles à détecter. Les majors du disque connaissent déjà le scénario. En s'attaquant à Napster, elles ont précipité la transition vers la deuxième génération de P2P, celle de Kazaa et de BitTorrent. Avec le succès que l'on sait.

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