"Un roupie aujourd'hui a plus de valeur qu'un dollars ! "

Publié le par BlindBlack

Voici un extrait d'un article lu dans Le monde Diplomatique, ça laisse rêveur...
"Le sort du dollars se joue à Pékin ... par Ibrahim Warde "
Le séjour en Europe, du 21 au 26 février, de M. George W. Bush a exprimé une volonté de rapprochement avec les pays membres de l’Union européenne. Si les divergences n’ont pas disparu, comme, par exemple, sur l’Iran ou sur les ventes d’armes à Pékin, la Maison Blanche sait qu’elle doit composer avec les dirigeants européens et chinois. Les orientations de ces derniers déterminent, au moins en partie, les taux d’intérêt, le cours du dollar et la gravité du déficit commercial américain. Dorénavant, la Chine entend bien monnayer, y compris sur le plan diplomatique, sa nouvelle puissance économique et financière.

« C’est notre monnaie, mais c’est votre problème  (1). » La célèbre formule de l’ancien secrétaire au Trésor du président Richard Nixon, John Connally, remonte à 1971. Elle pourrait s’appliquer à la politique du dollar de la première administration de M. George W. Bush. Préoccupés prioritairement par la « lutte contre le terrorisme » et par la guerre d’Irak, les dirigeants américains se sont peu intéressés aux grandes questions économiques internationales. Certes, ils ont proclamé leur attachement à une monnaie forte, histoire de ne pas inciter les spéculateurs à trop malmener le billet vert, mais ils s’en sont remis au « marché » pour mieux occulter la question de ces « déficits jumeaux » (budgétaire et commercial), qui se sont massivement accrus.

En matière budgétaire, l’administration Bush hérita d’excédents proches de 240 milliards de dollars en 2000. La récession de 2001 (qui a provoqué de moindres rentrées fiscales), mais aussi les baisses massives d’impôts votées par un Congrès républicain (imaginant que les excédents étaient devenus structurels) et le nouveau gonflement du budget de la défense et de la sécurité intérieure consécutif aux attentats du 11-Septembre ont transformé ce surplus appréciable en déficit considérable, surtout dans une période de redémarrage de la croissance – il a atteint 412 milliards de dollars en 2004, soit 3,6 % du produit national brut (PNB). En parallèle, le déficit commercial, qui n’a cessé de se creuser pendant trois années consécutives, a atteint un record historique de 618 milliards de dollars (5,3 % du PNB), en progression de 24,4 % par rapport à l’année précédente.

Toutes les réunions du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada, Italie) et autres grandes conférences internationales évoquent la question des fameux « déficits jumeaux ». Mais les solutions habituellement préconisées pour rééquilibrer les comptes des Etats-Unis impliquent des choix douloureux (hausse des impôts, baisse des dépenses militaires, encouragement de l’épargne) qui vont à l’encontre des grandes orientations politiques de l’administration Bush.

L’Amérique achète 50 % de plus qu’elle ne vend à l’étranger. Et ce sont les investisseurs internationaux qui, par leurs acquisitions de bons du Trésor américains, financent le train de vie de la première puissance économique mondiale. Cet ajustement par le dollar présente l’avantage de reporter les coûts sur le reste du monde, puisqu’il revient à prendre de la croissance, des emplois et de l’épargne chez les autres. Un dollar anémique favorise la compétitivité des produits fabriqués aux Etats-Unis ; il rend les achats d’actifs américains plus attrayants pour les investisseurs étrangers (dès lors qu’ils sont moins chers) et dévalue une dette extérieure estimée à 3 000 milliards de dollars.

Il n’est pas courant dans l’histoire que le gardien de la monnaie de réserve soit aussi le pays le plus endetté. En 1913, le Royaume-Uni, au faîte de son rayonnement impérial, était simultanément le principal créancier de la planète. Il s’épuisa ensuite pendant un demi-siècle à défendre – en pure perte, mais au prix d’un affaiblissement de sa puissance industrielle – la valeur de la livre sterling. L’arme de la baisse du dollar, version nouvelle de ce que le général de Gaulle qualifiait autrefois de « privilège exorbitant » des Etats-Unis – celui d’imprimer une monnaie dont les pays étrangers ne réclament pas la contrepartie, dès lors que leurs banques centrales la stockent –, permettrait en théorie de voir les deux déficits américains, budgétaire et commercial, se résorber sans douleur...


http://www.monde-diplomatique.fr/2005/03/WARDE/11964

Publié dans extraits d'existence

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